Chronique
Metalorgie
Others
Note
: 17
/ 20
Année
: 2007
A
été album du moment
Attention
grosse claque. Distress est un groupe
strasbourgeois qui sort là son troisième
album, Others. Du doom death sur le
papier, un genre exigeant s'il en est,
puisqu'en la matière, nombre de formations
se vautrent allègrement dans les clichés
pesants et larmoyants, et l'absence
d'originalité. Seulement, en pratique,
Distress est un ensemble créatif qui
incorpore beaucoup d'éléments pertinents
à sa musique qu'on qualifiera plutôt
de Grey Metal, comme le croisement de
genres extrêmes. Il en résulte un album
impressionnant de maîtrise autant que
de beauté et d'émotion.
On
y entend un chant varié, aussi guttural
que majestueux selon les besoins, avec
un impressionnant travail sur les harmonies,
qui évoque le death swedish, comme les
passages en chant clair d'Emperor, ou
bien encore le calme détaché de formations
black atmosphérique, voire les hauteurs
quasi inaccessibles du meilleur d'Opeth.
Avec un riffing mélodique et enlevé,
on s'éloigne des canons du genre doom,
d'autant plus que de nombreux ponts
acoustiques viennent agrémenter le paysage
musical, comme en témoigne l'excellent
Herm-aphrodite Bells. Ainsi, dans une
ambiance somptueuse, Distress présente
en 10 pistes et pas moins de 71 minutes
un éventail complet de métal riche et
poignant. Par la recherche de structures
allongées et exigeantes, le groupe donne
toute leur vigueur à des compositions
remarquables de justesse, d'inspiration
quasi prog' par instants. Le recours
aux cordes et au piano est à ce titre
très judicieux, offrant de merveilleux
passages instrumentaux. Quand de surcroit,
on signe une aussi bonne collection
de riffs, tantôt puissants, tantôt profonds,
tantôt mélodieux, voire tout cela à
la fois, par exemple sur Odyssey Of
The Fools, c'est pain bénit pour l'auditeur.
Prog' donc, à ceci prêt qu'ici, le groupe
n'est pas en représentation, mais maximise
plutôt dans la durée l'impact émotionnel
de sa musique, enthousiasmante, mais
jamais surchargée, à l'instar de choeurs
emphatiques sans être pompiers.
A
ce niveau, on atteint des sommets par
instants, à travers aussi une atmosphère
empesée, mais pas pesante, en dépit
de rythmiques traditionnellement pachydermiques,
où pointe la détresse bien évidemment.
Pourtant, contrairement à l'écrasante
majorité des formations affiliées au
doom, portées sur le désespoir et le
glauque, Distress donne dans des tonalités
épiques, à coup d'instrumentations influencées
tant par le black, riffs en tremolo
à l'appui, que par le death, avec ce
chant écorché qui apporte beaucoup de
puissance. Il y a de la fierté nichée
dans ses nombreux passages de chant
clair particulièrement habités, donnant
un cachet tragique voire même mythique
à l'ensemble. En fait, à l'écoute d'un
titre tel que Measured, on peut être
même saisi par la beauté du chant clair
habillé de cordes délicates (sublime
outro), et en fermant les yeux imaginer
des temps immémoriaux, faits de noblesse
des sentiments et des destins. Cette
richesse là n'est pas la moindre qualité
de ce disque, générateur de visions
et d'émotions prenantes. Ainsi, on peut
penser aussi à Self To Shreds oscillant
entre accalmies et explosivité, d'un
chant clair à deux voix absolument splendide
(procédé repris sur toute la durée de
The Fog) à la puissance des vocaux gutturaux
et de l'orchestration doom, en passant
par un pont d'inspiration religieuse
joué à l'orgue. Citons enfin la très
belle dernière piste de ce disque, Captive,
ode acoustique touchante qui permet
à Distress de conclure sur une jolie
dernière impression.
La
profondeur de la musique de Distress
se vit davantage qu'elle ne s'écoute,
ce qui par les temps d'hybridation plus
ou moins heureuse ou de technicité forcenée
que l'on vit actuellement, n'est pas
si courant. Tout vibre ici à l'unisson
d'une oeuvre majeure portée tant par
la qualité des musiciens que par son
propre souffle. Ainsi, si Others respire
la maîtrise, c'est pour mieux s'échapper
et gagner les coeurs. Vraiment un grand
disque.
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